Quel est le réel impact des nouveaux gTLDs?

Le programme des nouveaux gTLDs, inauguré par l’ICANN en juin 2011, a offert l’opportunité d’acquérir un nouveau nom de domaine générique de premier niveau. L’ICANN (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers) est l’organisme mondial à but non lucratif, contrôlé par le gouvernement américain, en charge de l’organisation globale de l’internet et de la régulation du système des noms de domaines (Domain Names System : DNS). Un gTLD (Generic Top-Level Domain) est un nom de domaine générique de premier niveau, c’est-à-dire le nom de l’extension apparaissant après le point. Jusqu’à présent, il n’existait que 22 gTLDs, les plus importants étant “.com”, “.net” ou “.org”.

Les nouveaux gTLDs sont supposés ouvrir une nouvelle ère dans le système des noms de domaines, non seulement parce qu’ils offrent l’opportunité aux plus grandes marques de gérer leurs propres système de noms de domaine, mais aussi parce qu’ils permettent à certaines communautés, secteurs d’activité ou emplacements géographiques de jouer un rôle considérable sur internet.

L’ICANN a réparti les nouveaux gTLDs en 4 catégories :

  • Standard/générique : termes généraux, comme par exemple “.voyage”
  • Communauté : par exemple “.gay”
  • Géographique : par exemple “.paris”
  • Marque : par exemple “.motorola”

La procédure de demande des nouveaux gTLDs a débuté le 12 janvier 2012 et a été clôturée le 13 mars 2013. Les premier gTLDS ont été attribués en octobre 2013. Le prix initial pour une demande de nouveau gTLD était de 185.000 US$. Le prix du renouvellement annuel sera de 25.000 US$. Plus de 1.900 demandes de nouveaux gTLDs ont été réceptionnées dont un total de 266 ont achevé les phases d’évaluation et d’objection.

Bien entendu, un système de résolution des litiges a été instauré par l’ICANN, qui a été attribué à 3 organismes différents :

  • Le Centre International pour la Résolution des Litiges de l’Association Américaine pour l’Arbitrage (la « AAA ») : pour les conflits liés à la concurrence entre plusieurs demandeurs d’un terme similaire de gTLD (« string confusion »).
  • L’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (l’OMPI) : pour les litiges concernant la protection des droits légaux, par exemple le litige portant sur le gTLD “.merck” opposant Merck KGaA et son ancienne filiale américaine Merck & Co.
  • Le Centre International d’expertise de la Chambre de Commerce Internationale (la CCI) : pour les litiges liés à des intérêts publics ou communautaires, appliquant les normes légales de moralité et d’ordre public reconnues par le droit international.

Il va sans dire que les parties intéressées par une éventuelle objection doivent faire preuve d’une sérieuse motivation et disposer d’un support financier non négligeable, si l’on considère le coût élevé des procédures mentionnées ci-dessus.

Une fois le nouveau gTLD accepté, son propriétaire se doit d’établir un nouveau registre afin de procéder à l’enregistrement des noms de domaine de deuxième niveau. Cette procédure d’enregistrement est généralement constituée de trois phases : la phase d’enregistrement prioritaire « Sunrise » ouverte aux propriétaires de marques inscrites au Bureau Central des Marques (la « Trademark Clearinghouse » ou « TMCH » référencée ci-après), la phase de « Landrush » (littéralement : « ruée vers les terres ») pour des demandeurs prioritaires et la phase publique de lancement « Go Live » ouverte à tous sur la base du principe « premier arrivé, premier servi ». Ainsi, même si le coût d’un nouveau gTLD semble très élevé, il faut garder à l’esprit qu’une fois accepté, l’attribution des noms de domaine de deuxième niveau sous le nouveau gTLD est susceptible d’engendrer certains revenus pour le propriétaire du gTLD.

La procédure d’enregistrement a déjà débuté pour certains gTLDs. Par exemple, pour la nouvelle extension « .paris » obtenue par la ville de Paris, même si la période Sunrise n’a pas encore débuté, les candidats intéressés peuvent d’ores et déjà présenter leur projet à la mairie de Paris afin d’obtenir une priorité d’enregistrement. La date limite de dépôt d’un dossier est le 30 janvier 2014.

Afin d’assurer la protection des droits des propriétaires de marques, un Bureau Central des Marques (TMCH – Trademark Clearinghouse) a été constitué par l’ICANN. Le TMCH procure des « services sunrise » ainsi que des « services de protection des marques ». Les « services de protection des marques » permettent aux propriétaires ayant enregistré leurs marques au TMCH, d’être notifiés de toute demande d’enregistrement d’un nom de domaine de deuxième niveau qui correspondrait à une de leurs marques, afin de pouvoir prendre les mesures nécessaires en temps utiles. Les « services sunrise » leur permettent d’enregistrer leurs marques en tant que noms de domaine durant la période Sunrise d’un nouveau gTLD (dans le cas contraire, ils doivent attendre la phase publique de lancement).

Les frais d’enregistrement à la TMCH sont de 150 US$ par marque et par an.

Le système établi par le TMCH pose un certain nombre de problèmes. Le premier et principal problème réside dans le fait que le système ne fonctionne que pour une identité exacte avec la marque enregistrée (même le pluriel d’une marque identique n’est pas pris en compte). De plus, le TMCH se contente d’envoyer un avertissement à la tierce partie tentant d’enregistrer un nom de domaine correspondant à une marque, concernant la possible violation des droits du propriétaire de la marque, mais ne bloque pas l’enregistrement de ce domaine. Ensuite, l’enregistrement à la TMCH est obligatoire afin de pouvoir profiter de la période Sunrise des nouveau gTLDs. Enfin, les compagnies possédant un grand nombre de marques auront des difficultés à sélectionner les marques qui doivent être enregistrées. On peut imaginer le cauchemar pour Johnson & Johnson!

En conséquence, le propriétaire d’une marque pourrait préférer avoir recours à un autre type de surveillance des noms de domaine de second niveau, par exemple par l’intermédiaire d’un service professionnel de surveillance de noms de domaines.

En conclusion, les nouveaux gTLDs vont certainement entrainer des changements considérables dans le monde de l’internet, mais en attendant, ils ressemblent plus à un nouveau jeu exclusivement réservé à un club privé de grandes et riches organisations. Pour les propriétaires de marques plus modestes, cela pourrait bien constituer un véritable casse-tête : le risque que leur marque soit enregistrée comme nom de domaine par une tierce partie va accroître et donc la protection de leurs marques devenir bien plus ardue.